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Couverture de la première édition originale (collection « Tracts », Éditions de la Sirène, Paris, 1920). Les vingt articles de cette série de presse ont d’abord paru le lundi dans Paris-Midi, du 31 mars au 11 août 1919.
Carte blanche constitue la première collaboration suivie de Cocteau à la presse grand public. « Sous ce titre », lit-on dans l’article inaugural, « je me propose de mettre chaque semaine le lecteur au courant des valeurs nouvelles. Entre l’Académie et le Boulevard, il ignore tout. Ce vide est la cause de graves malentendus. »Initier le public à « l’esprit nouveau » qui « agite toutes les branches de l’art », lui montrer « qu’on ne se moque pas, qu’on ne le méprise pas, que le travail des jeunes n’est pas dirigé contre lui », l’aider à y voir clair dans « la douche écossaise de[s] bonnes et mauvaises audaces » (avec leurs « bamboulas ridicules »), voilà un programme de journalisme qui le tente.
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Cocteau accepte d’autant plus volontiers que rares lui semblent être les grands journaux à donner une telle tribune à un jeune écrivain. Il regrette notamment « que les organes de gauche politique prennent toujours fait et cause contre la gauche artistique et défendent des œuvres que personne de sérieux ne conteste plus » (31 mars), mais se montrent bien incapables de parler des « formes d’art nouvelles, c’est-à-dire vivantes, c’est-à-dire maudites selon le mot de Paul Verlaine » (11 août). Paris-Midi, « une feuille jeune, verte, qui est vivante, qui circule, s’occupe de nous » (11 août), lui offre une tribune à ne pas négliger.
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Carte blanche s’adresse officiellement au public parisien, notamment à la « petite élite bien intentionnée » qui suit les manifestations d’esprit nouveau et « demande qu’on la dirige » (16 juin). Mais la série entre aussi dans la stratégie de tracts, d’occupation et de délimitation de territoires artistiques qui mobilise intensément les avant-gardes à cette époque, comme Le Coq et l’Arlequin quelques mois plus tôt, premier titre de la collection « Tracts » aux Éditions de la Sirène, et la petite revue Le Coq fondée par Cocteau et Radiguet l’année suivante.
Tout en critiquant le « snob vulgarisant la beauté qui aime à grandir en secret, les chapelles, les coteries aveugles » (9 juin), Cocteau assume donc le fait d’alterner « des articles de clan et des articles d’intérêt général », à condition de ne pas « perdre de vue [s]on objectif : un peu d’ordre à l’âge du quiproquo » (11 août).